Guide d’une joaillerie éthique et focus sur un modèle d’approvisionnement vertueux au sein d’une industrie opaque : la labellisation Fairmined.
La joaillerie évoque préciosité, rareté et éclat. À la portée émotionnelle forte, les bijoux s’offrent, se transmettent, font tourner la tête et symbolisent la quintessence du luxe. Or la poésie et le rêve se confrontent souvent à la noirceur de secteur : dommages environnementaux, violences humaines, et manque de transparence, l’industrie tente d’opérer une douce transition vers des alternatives vertueuses.
Il est difficile de déceler les étapes d’un processus qui débute avec l’extraction des matières premières jusqu’aux ateliers puis les vitrines des joailliers. L’origine des matériaux nobles est souvent difficile à préciser puis l’or est généralement fondu à plusieurs reprises, dans des pays différents. Les certifications sont rares, l’industrie aurifère et joaillière maintient traditionnellement la culture du secret, peu compatible avec l’exigence croissante de l’opinion publique en termes de transparence.
Il est à rappeler que l’or est une valeur refuge, une monnaie qui inspirera toujours la stabilité et dans laquelle le monde a confiance. Ainsi, l’extraction minière de l’or ne répond pas à la demande l’industrie joaillère mais exclusivement à des fins de création de valeur. L’or ensuite est vendu à différents secteurs dont celui de la joaillerie. Ceux qui en paient en réalité le prix fort sont ceux qui se situent à la base de la chaine.
L’alliage de l’éthique et de l’esthétique
L’enjeu pour l’industrie joaillière est de lever le voile, non pas pour exposer le luxe mais pour incarner un nouveau luxe, celui de la transparence, un luxe fier de recourir « aussi peu que possible aux ressources non renouvelables. Un système qui préfère l’utilisation de ressources renouvelables, exploitées en respectant leur taux de renouvellement et associées à une valorisation des déchets qui favorise le réemploi, la réparation et le recyclage »*.
Malheureusement, les pratiques irresponsables du passé ont créé une réputation négative pour l’exploitation minière, industrielle comme artisanale.
Chiffres clés :
2 000 tonnes d’or sont extraites annuellement.
20 millions de personnes sont engagées dans l’exploitation minière artisanale de l’or.
Le secteur emploie 90% de la main-d’œuvre tout en extrayant 20% de l’or mondial
(contre 10% et 80% pour l’exploitation minière industrielle).
Ces extractions font vivre plus de 150 millions de personnes
et génèrent plus de 300 milliards de dollars de revenus.
Quant aux diamants, entre 24 et 36 tonnes sont extraites annuellement.
Le profit au détriment des droits humains
Conditions de travail désastreuses, inégalité de genres, rémunération dérisoire, absence de protection sociale,… Des sociétés minières internationales et des gouvernements abusent des droits humains à des fins commerciales et politiques. Les résidents locaux souffrent aussi en parallèle de la violation des territoires avec la défrichement et la déforestation avant l’extrême exploitation.
Plus d’un million d’enfants seraient concernés par le travail minier, souvent mis à profit pour leur petite taille dans les galeries les moins accessibles, où l’air est chargé de poussière et les accidents extrêmement courants.
La main d’œuvre précaire des mines artisanales travaille dans des conditions forcées, sous surveillance militaire et menace de pénalité. Cet or artisanal émet chaque année 1 400 tonnes de mercure, endommageant le système nerveux des miniers.
L’impact environnemental considérable d’une extraction intensive
L’exploitation industrielle de l’or détruit les éco-systèmes : hautement mécanisées, les installations induisent une déforestation massive. Avec l’extraction vient aussi la libération de substances nocives et éco-toxiques comme le mercure ou le cyanure dans l’environnement (8kg pour 20g d’or), la production de gaz à effets de serre (520kg pour 20g d’or), et de déchets miniers (40 tonnes pour 20g d’or). Les eaux polluées ne sont pas traitées et les accidents sont nombreux, sans compter la consommation astronomique d’eau (10 millions de litres pour 15kg d’or),.
L’extraction de diamants pourrait apparaitre moins nocive pour l’environnement, mais génère en réalité tout autant de destruction avec des dizaines ou centaines de milliers d’hectares creusés aux explosifs, perturbant des zones parfois fragiles.
Les diamants de sang
L’extraction minière est aussi associée au financement de groupes armés criminels, impliquant blanchiment d’argent et oppression. Des réseaux entiers de mafias sont encore financés par l’extraction et le commerce de l’or.
Les limites d’un système
Créé en 2005, le RJC (Responsible Jewelery Council) a pour mission de certifier les bonnes pratiques des entreprises contribuant à la chaîne d’approvisionnement de l’or ou de des diamants, de la mine jusqu’à la distribution. Pour obtenir le label, l’une s’engage à mettre en place et à promouvoir des pratiques responsables en matière d’éthique, d’environnement et de conditions de travail. En résulte le choix de travailler avec des ateliers RJC ou non – se soumettant à des conditions d’extraction et à une forme de traçabilité, et au respect d’un même code de bonnes pratiques. Or, le RJC n’est pas sans faille et fait face à un conflit d’intérêts. L’organisation fut accusée à plusieurs reprises de mauvaise gouvernance et de normes jugée trop faibles ; son conseil majoritairement contrôlé par l’industrie, corrélé à une mise à l’écart de la société civile ont contribué à la remise en cause de son indépendance.
Bien que des initiatives telles que le Processus de Kimberley aient été mises en place partout dans le monde (dans le but de réduire l’existence des diamants de conflits : diamants bruts utilisés pour financer les guerres livrées par des rebelles), cela reste insuffisant pour garantir l’absence de toute forme de violences – aucune forme de sanction n’étant appliquée. Dans son contrôle, le Processus est négligeant quant au respect des droits de l’Homme, la protection des écosystèmes ou la distribution équitable des richesses.
Aperçu des alternatives plus vertueuses
Lors de l’achat d’une pièce de joaillerie, il est donc difficile de connaitre les origines de l’or ou si la pierre est entachée par des violations des droits de l’Homme ou des graves atteintes à l’environnement. Impossible aussi aujourd’hui d’ignorer la prise de conscience collective autour de l’enjeu environnemental et de notre impact sur la planète. Alors face aux limites atteintes, les difficultés de traçabilité et l’insécurité, certaines initiatives ont réussi le pari de s’imposer : or recyclé, certifications, pierre de laboratoire.
Les codes sont différents, et l’industrie progresse en faveur d’un luxe responsable, les maisons de joaillerie sont désormais de plus en plus nombreuses à placer la question de l’éthique au cœur de leurs préoccupations.
Un or recyclé, la solution imparfaite
L’or est (presque) indestructible, donc très facilement recyclable en comparaison des autres matières premières. Sachant qu’à ce jour, il existe suffisamment d’or déjà extrait pour couvrir la demande de l’ensemble de l’industrie bijoutière des 50 prochaines années, il apparait essentiel et astucieux d’affiner à nouveau l’or pour lui rendre sa pureté d’origine, quelque soit sa couleur.
Les métaux précieux sont recyclables à l’infini sans dégrader leur qualité.
Recycler l’or – déchets de fabrication, celui détenu par des particuliers, son rachat ou sa forme électronique – ne limitera que peu l’exploitation minière : l’or reste la monnaie ultime et l’industrie joaillière n’est pas indispensable à la création de sa valeur. Son extraction permet à des centaines de millions de personnes de vivre, offrant en ce sens une multitude d’opportunités économiques ; l’unique utilisation d’or recyclé pourrait nuire à ces communautés en les privant de cette source actuelle de revenu.
Il s’agit cependant probablement de l’option la plus écologique pour la création de bijoux neufs car elle ne requiert aucune nouvelle extraction et tire profit de ressources déjà existantes.
L’or recyclé est donc une alternative plus écologique et moins coûteuse que l’or fraîchement extrait de mine. DANGLETERRE, membre de la communauté 1.618, utilise de l’or recyclé et recyclable – provenant des chutes et rebus d’ateliers de production certifiés – puis traité en France et reconditionné afin d’être à nouveau transformé en bijoux. Une telle gestion des déchets s’inscrit dans le cadre d’une économie circulaire vertueuse. La marque a à cœur de mêler créativité et durabilité, privilégiant un or recyclé labellisé, des pierres issues d’anciens stocks (pour les pierres ornementales) et une fabrication locale parisienne et artisanale.
Fairmined : une extraction responsable sur le plan environnemental & social
Au départ de la chaine de valeur, le constat évident de l’informalité, des conditions de travail dangereuses, de l’illégalité et des atteintes portées à l’environnement. Or, comment éviter que le produit final, qui représente le summum de l’émotion humaine, ne soit pas associé à des dommages collatéraux ?
L’Alliance pour une Mine Responsable (ARM), ONG fondée en 2004 et reconnue mondialement comme pionnière dans l’exploitation minière artisanale et à petite échelle, a crée le label Fairmined, le plus exigeant des labels d’or éthique sur l’ensemble de la chaîne de valeurs, de son extraction au bijou final.
Le standard Fairmined transforme l’exploitation minière en une force positive, offrant à chacun une source d’or dont il peut être fier.
Il est le premier au monde à pouvoir engendrer le développement social et la protection de l’environnement. L’artisanat minier aurifère Fairmined fournit une offre de travail valorisante aux populations, avec des conditions de travail décentes et la garantie d’une rémunération plus juste. En reconnaissance de leur engagement, les organisations minières à petite échelle certifiées reçoivent non seulement un prix équitable pour leur or (au moins 95 % du prix de l’or LBMA/ London Bullion Market Association, Association des professionnels du marché des métaux précieux de Londres supervise les marchés de gros de l’or) mais aussi une prime de 4 US$ par gramme d’or, une récompense économique à investir pour un développement organisationnel, technique, social, économique et environnemental. L’engagement Fairmined permet aussi de réduire les conséquences nocives induites par l’exploitation minière artisanale non contrôlée. L’utilisation du mercure est limitée au profit de substances chimiques moins toxiques sur de nombreuses étapes de la production. Le strict contrôle de la manipulation des substances chimiques et des déchets assure une non-contamination des sols et des eaux. L’exploitation artisanale à petite échelle permet ainsi la protection de la biodiversité et le label anticipe également la réhabilitation écologique des écosystèmes d’origine.
Grâce à l’initiative Fairmined, l’industrie de l’or et les consommateurs peuvent soutenir de meilleures pratiques minières et le développement des communautés.
En bref, les bénéfices pour le marché se résument par un impact social et environnemental positif dans les chaines d’approvisionnement, offrant des garanties pour le consommateur et un secteur plus transparent avec une traçabilité précise. Le consommateur génère ainsi, de son côté, un impact positif grâce à une décision d’achat éclairée, découvrant l’histoire d’origine d’un produit auquel s’ajoute une valeur sentimentale.
The lab-grown diamond
Les diamants produits en laboratoire présentent de nombreux atouts – aucune extraction et les mêmes caractéristiques physiques, chimiques et optiques que les diamants extraits des mines, d’autant qu’ils s’avèrent désormais un peu moins onéreux. Comme le diamant naturel, le diamant de synthèse se forme lui aussi par un même phénomène chimique naturel : la cristallisation du carbone. Chaque diamant de synthèse est unique.
Première Maison de joaillerie française à s’être engagée dans la filière Fairmined, JEM, membre de la communauté 1.618, a lancé en 2018 son premier diamant formé en laboratoire, respectueux des droits humains & de l’environnement et totalement tracé.
Ces initiatives montrent la voie d’un nouveau luxe, où l’exigence devient celle de l’engagement, du respect de l’Homme et de la nature, de la sincérité de la démarche : afin d’allier l’esthétique & l’éthique. Ce luxe, qui dans sa capacité à faire rêver et à inspirer, démontre que la beauté, l’innovation et la création sont des notions durables.
Pour en apprendre davantage sur Fairmined
* définition de l’éco-conception selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie